Vous, oui Vous, qu'on nomme Krishna ou Jahvé, ou encore Nature ou Hasard et que moi j'appelle Dieu, Vous qu'on implore à genoux ou qu'on récuse, je m'adresse à Vous.

     Savez-vous toujours ce que Vous faites ? Je sais, il y a les fleurs, ces merveilles de couleurs et de parfums, les arbres, ces amis vivants qui changent de tenue quatre fois par an pour nous séduire, les champs vastes, apaisants, les oiseaux, musiciens de nos réveils et de nos rêves, les papillons, fleurs animées, affamés de pollen, le chat de la maison, libre d'aimer ou de se laisser aimer dans sa superbe... Mais j'ignore d'où vient le tout premier gland du grand chêne qui ombrage notre jardin. Lui avez-Vous soufflé dessus ou lui avez-Vous parlé tendrement lorsque Vous l'avez déposé dans sa couche de mousse pour lui transmettre une aussi prodigieuse envie de vivre ?

     Je ne Vous dirai rien de nous, les hommes, nous nous croyons égaux et nous faisons presque tout rater. Nous cueillons les fleurs, nous capturons les oiseaux, nous épinglons les papillons, nous jetons le chat dehors et nous ne voyons même plus les grands chênes. Dites moi, saviez-Vous que nous nous ferions la guerre entre nous ?

    Mais j'y pense, saviez-Vous aussi que des êtres s'aiment à en mourir et saviez-Vous que vous les sépareriez aussi froidement que nous abattons nos arbres ? Peut être avez-Vous une bonne raison, peut être qu'un être doit préparer la venue de l'autre, alors, l'enverrez-Vous à sa rencontre sur le sentier ?

    Permettez moi une question. Quand ? En attendant, il faut bien vivre puisque, paraît-il, c'est un cadeau, la vie !

©Yvette Mathieux